Manille, la capitale
Nous quittons Palau l’âme en peine. Après ce paradis terrestre, retrouver le bouillonnement d’une capitale asiatique en développement nous effraye un peu. Le contraste risque d’être saisissant.
Après un vol de 2h30 et une arrivée turbulente sur Manille (les nuages chargés d’air chaud…), nous posons le pied aux Philippines. Le choc fut pour le moins brutal puisque nous tombons sur un poste frontière surchargé et totalement désorganisé. Nous devons attendre plus d’une heure pour passer la frontière dans une cohue indescriptible : bienvenue en Asie !
Les formalités accomplies, nous sautons dans une voiture réservée à l’avance auprès de l’hôtel et arrivons dans un joli hôtel en plein cœur de l’intramuros, le quartier historique de Manille.
Sur la route nous apercevons déjà quelques bribes des symboles philippins : les jeepneys (des jeeps américaines rallongées et colorées, transformées en sorte de bus de ville), les marchés de nuits, la ville immense et surtout la pauvreté avec beaucoup d’enfants seuls errant dans les rues. Mais Manille nous offre aussi des îlots de modernité impressionnant avec des quartiers ultramodernes et des centres commerciaux américanisés. Le contraste est saisissant dès ce premier trajet en taxi.
Capitale des philippines, Manille compte 12 millions d’habitants. Si son histoire, riche, lui a légué un héritage non négligeable (espagnol et américain notamment), elle en garde surtout de nombreux stigmates. Bien qu’elle fût le théâtre d’un commerce prospère dû à son emplacement idéal sur la route des épices et à quelques encablures de la Chine, américains et japonais ne lui ont laissé aucune chance en la bombardant abondamment pendant la seconde guerre mondiale. Il ne reste de sa grandeur passée que quelques vestiges, dont le quartier intramuros où l’on retrouve une architecture espagnole typique faite de maisons coloniales aux balcons ouvragés et aux magnifiques patios parfaitement utilisés, encore aujourd’hui.
Reconstruite à la hâte au sortir du second conflit mondiale, Manille est faite de bâtiments disparates, de grandes avenues sans charmes et de ruelles anarchiques. Il est évident que la ville n’a rien du charme de ses voisines asiatiques et le touriste peut rapidement passer son chemin car le plus beau du pays n’est certainement pas sa capitale.
Pour l’Histoire, Magellan débarque dans l’archipel au XVIe siècle et revendique les terres au nom de la couronne d’Espagne (il y perdra d’ailleurs la vie dans la région de Cebu). Mais c’est Legazpi qui marquera le pays. A partir de 1565 il en prend le contrôle et soumet les philippines à la loi espagnoles. Il chasse notamment les sultans musulmans venus de Malaisie et entame une campagne d’évangélisation massive. C’est donc par l’intervention espagnole que les Philippines sont aujourd’hui à majorité Catholique et non musulmane contrairement à ses voisines !
La couronne d’Espagne règnera sur les Philippines jusqu’au XIX e siècle. C’est à cette période qu’une classe moyenne philippine, formées et éduquées, commence à introduire de nouvelles idées. Largement réprimée, elle se réveille à l’occasion de la guerre hispano-américaine autour de Cuba qui s’achève par la signature du traité de Paris en 1898 qui verra les américains prendre le contrôle de Guam, Porto Rico et des philippines, laissant aux espagnoles l’île de Cuba.
Malheureusement arrive rapidement la seconde guerre mondiale qui touchera la pays très durement. A partir de 1942, les japonais entrent aux philippines comme force d’occupation (au prix d’exactions dont les philippins restent fortement marquées). La bataille de Manille coutera la vie à plus de 150 000 civils.
Au sortir de la guerre, les philippines passent à nouveau plus ou moins sous le giron américain. S´ensuivront des années difficiles qui ne permettront pas aux philippines de retrouver pleinement leur grandeur.
En lisant l’Histoire de ce pays et de cette ville notamment, nous ne nous attendons pas à grand-chose mais c’est une étape obligatoire pour poursuivre le voyage.
Nous souhaitons en effet nous rendre au Nord de Luzon, l’île principale du pays et où se trouve Manille afin d’aller voir les fameuses rizières millénaires de Banaue. Le matin, nous réservons nos billets pour le bus de nuit et partons nous balader dans la ville Intramuros.
Les habitants de Manille appellent « Intramuros » une zone administrativement indépendante qui se trouve entre les fortifications relativement intactes bâties par les espagnols. Auparavant, cette ville dans la ville était une « zone verte sécurisée » pour les administrations espagnoles puis américaines en charge du pays. A présent, elle concentre les curiosités culturelles de la ville.
Nous sommes d’ailleurs surpris par l’état des fortifications qui sont très bien conservées et parfaitement adaptées à une bonne promenade (4,5 kilomètres). Un golf a d’ailleurs été aménagé autour de ces fortifications !
L’intramuros accueille un nombre important de patios, de bâtisses d’influence espagnoles ainsi que de très belles églises. Ce qui lui donne un petit air d’Amérique Latine, en plus pauvre peut être.
La pauvreté est en effet bien présente même si nous nous sentons en parfaite sécurité ici car il n’y a pas d’agressivité dans l’air. C’est néanmoins assez troublant de voir cohabiter des hôtels de luxe avec son lot d’occidentaux et d’asiatiques du Nord d’un côté et de l’autre, des enfants chiffonniers ramassant des bouteilles de plastique en nageant dans une rivière pollué au courant dangereux…
L’attraction phare de la ville est d’ailleurs à proximité de la rivière. Le Fort Santiago fut le siège des administrations espagnoles et américaines ainsi qu’une prison où plus de 600 personnes furent brûlées vives lors de la retraite japonaise. C’est aujourd’hui un musée dédié à l’indépendance du pays et une exposition rend hommage au martyr national, José Rizal.
L’église Saint Augustin construite en 1606 est également une attraction majeure et pour cause, elle est en effet parfaitement conservée et son architecture est à couper le souffle. C’est l’un des rares édifices à avoir survécu à la bataille de Manille.
C’est donc avec une certaine surprise que nous avons découvert cette vieille ville. Bien qu’étant moins grandiose que Kuala Lumpur ou moins riche historiquement que Bangkok, Manille a un certain charme. L’apéro que nous prenons depuis le bar sur le toit de notre hôtel vient conforter cette image.
L’apéro est d’ailleurs le moment où nous décidons d’annuler notre visite des rizières car l’idée du bus de nuit ne nous enchante pas et nous constatons de toute façon que nous manquons de temps. Après quelques recherches, nous trouvons un vol dès le lendemain pour Dumaguete, capitale du Negros Oriental.
Nous disons au revoir à Luzon, à nous l’archipel des Visayas !
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